Quel horizon pour 2023 ?

Chères lectrices, chers lecteurs,

 

Il faut avoir atteint un âge plus que vénérable pour se souvenir des années 1970. Celles et ceux qui avaient déjà, en ces temps lointains, une charge d’enseignement s’étaient posé la question de l’intégration de la contrainte environnementale à leurs cours. Cela correspondait à l’air du temps (Silent Spring, Limits to Growth, etc.), mais tout était alors à inventer. Cette parenthèse s’est refermée assez rapidement, voire brutalement. Pour des raisons qui devraient nous donner à réfléchir. Cinquante ans après, nous assistons à un retour de cette préoccupation, sous des formes inévitablement différentes, l’un des changements majeurs étant l’existence des rapports du Giec. Un peu partout, dans la précipitation, on s’efforce d’introduire des cours relatifs à la « transition écologique » et l’on recherche par conséquent des supports pédagogiques ou des références bibliographiques adaptés à des publics inégalement informés. Or, s’il est heureusement possible de trouver d’assez nombreuses sources exploitables, elles sont presque toutes fragmentaires, dispersées ou spécialisées (il existe, entre autres, de nombreux Repères sur ces questions). Nous en avons déduit l’utilité d’un manuel de taille raisonnable, accessible au plus grand nombre, mais qui couvre, de façon à la fois synthétique et problématisée, un spectre étendu (d’autres ouvrages, complémentaires, sont concevables, mais beaucoup plus volumineux, pour d’autres publics). The New Environmental Economics d’Éloi Laurent nous ayant semblé correspondre à cette idée, nous lui avons proposé d’écrire cette Économie pour le xxie siècle. Ce livre est sous-titré Manuel des transitions justes car il ne suffit pas de réintégrer l’économie au sein de la biosphère : la question environnementale est indissociable de la question des inégalités et les politiques requises ne pourront pas être mises en œuvre si elles ne paraissent pas justes. Ce que nos fidèles lectrices et lecteurs savent, mais qu’il s’agit ici d’enseigner efficacement à une génération d’étudiantes et d’étudiants souvent désorientés. Nous espérons que ce manuel sera l’outil dont vous avez besoin en ce moment.

Le Repères annuel de l’Agence française de développement consacré à L’Économie africaine accorde lui aussi une place aux conséquences du changement climatique. L’un des chapitres illustre l’injustice écologique : alors que l’Afrique contribue de façon marginale aux émissions de gaz à effet de serre, elle se trouve particulièrement exposée aux différents risques climatiques. À l’intérieur du continent, on retrouve aussi la question des inégalités : quand l’Afrique du Sud émet 452 Mt/an de CO2, la plupart des pays africains en émettent moins de 30. Le continent apparaît d’autant plus menacé que des politiques inconséquentes ont conduit à négliger ce qui apparaissait pourtant jadis comme une priorité : la sécurité alimentaire. Si la situation avait globalement eu tendance à s’améliorer, par exemple pour la malnutrition, la conjugaison de la pression démographique, de la contrainte écologique et des risques de désordres sur les marchés internationaux devrait inciter à reconsidérer les stratégies alimentaires en Afrique.

Le sous-titre de L’Homme unidimensionnel de Herbert Marcuse, traduit en 1968, était Essai sur l’idéologie de la société industrielle avancée. À sa façon, ce livre a marqué ce moment de critique du processus d’industrialisation du monde, aussi bien capitaliste que socialiste, comme celle de l’aliénation du travailleur et du consommateur qui l’a accompagné. Des échos de cette perspective, qui est pour partie aussi celle de l’école de Francfort, se retrouvent aujourd’hui. Dans le Repères consacré à La Théorie critique, Jean-Marc Durand-Gasselin réussit l’exploit d’une synthèse de ce courant en 128 pages. Car la théorie critique est associée à un grand nombre d’auteurs, tels que Max Horkheimer, Theodor W. Adorno, Erich Fromm, Walter Benjamin, Herbert Marcuse, Jürgen Habermas, Axel Honneth ou Hartmut Rosa. Les œuvres de ces auteurs s’étendent de la fin des années 1920 à aujourd’hui et se rattachent à un marxisme ouvert sur les sciences sociales, interdisciplinaire. Le concept originel se trouve dans un article de 1937 de Max Horkheimer intitulé « Théorie traditionnelle et théorie critique ». Il relie ce vocable à la critique de l’économie politique de Marx et l’oppose à la « théorie traditionnelle » qu’il fait remonter au Discours de la méthode (1637) de Descartes. Cette idée fondatrice d’une théorie interdisciplinaire des contradictions sociales, d’inspiration marxiste, appuyée sur des enquêtes, capable de se renouveler avec l’évolution historique et intellectuelle, dont le passage à un capitalisme organisé, technocratique, a fait la preuve de sa fécondité pendant quatre générations. Argument supplémentaire : ce livre est aussi une introduction à tous les auteurs de cette tradition.

 

Pour en terminer avec la question du jour : à la différence de Chatbot GPT, les Repères citent leurs sources…

 

Bonne lecture !

 

Pascal Combemale