Les grandes questions économiques et sociales

Faut-il se réjouir des nombreuses nouvelles éditions de cet ouvrage collectif, devenu un classique ?

A priori oui : elles témoignent du succès chaque fois confirmé d'un livre signé par une « dream team » d'auteurs prestigieux. Toutefois, elles invitent à s'interroger sur la persistance de ces « grandes questions économiques et sociales ».

Certes, la réflexivité est une qualité et il importe de savoir se poser les bonnes questions. Mais dans l'espoir de trouver malgré tout quelques réponses, au moins partielles. Or, qu'il s'agisse de chômage, d'inégalités, de discriminations ou de catastrophes écologiques, la liste des problèmes non résolus reste au fond à peu près la même, malgré le déluge d'analyses, d'articles, de rapports, de commentaires...

Quiconque a vécu la crise des années 1970 se souvient que l'on s'interrogeait déjà sur le sens et les limites d'un mode de développement inégal et destructeur (de la nature, de la diversité, des cultures, etc.). Des auteurs tels que Gorz, Illich ou Ellul n'ont pas perdu leur actualité.

Pourtant, le monde a aussi considérablement changé depuis cette époque, où prévalait encore l'affrontement entre deux systèmes, le capitalisme et le socialisme « réel » (dont personne ne prévoyait alors l'effondrement). Si les questions demeurent, c'est que l'histoire est passée et en a transformé le contexte.

On pourrait espérer que les sciences sociales nous évitent de reproduire les mêmes erreurs, pour nous permettre d'en faire de nouvelles. Mais le changement climatique dramatise cette dialectique. Et l'échelle des problèmes à traiter, alors que le temps nous est compté, rend les actions à entreprendre plus difficiles à négocier.

Les élèves et les étudiants qui vont lire cet ouvrage pressentent qu'il leur faudra beaucoup de créativité pour trouver, probablement dans l'urgence, les réponses les moins douloureuses.

 

Pascal Combemale, directeur de la collection Repères