Hommage à Françoise Battagliola

Nous avons appris avec une grande tristesse le décès de Françoise Battagliola, le 27 décembre 2019 à Paris.
Directrice de recherche au CNRS, Françoise intègre en 1987 l'équipe du Centre de sociologie urbaine, où elle développera ses travaux jusqu'à sa retraite, en 2009. Lorsqu'elle rejoint le CSU, elle a déjà une expérience de la recherche forgée au sein d'institutions et de groupes de travail qui promeuvent dès les années 1970 des recherches sur les femmes, son domaine de prédilection durant toute sa vie professionnelle.

 

En 1975, elle soutient sous la direction de Christiane Dufrancatel, historienne et sociologue à l'université Paris 8, un mémoire de maîtrise écrit en collaboration avec Monique Blanc Mesureur, et intitulé « Est-ce ainsi que se pensent les femmes ? ».
À la fin des années 1970, elle travaille quelques années au sein du laboratoire d'éco-éthologie humaine (Institut Marcel Rivière), associé à l'université Paris 5, qui est alors le centre de recherche de l'établissement de santé mentale de la Mutuelle de l'Éducation nationale (MGEN).
Elle contribue au rapport intitulé « Les femmes ou la vie en miettes. Femmes au quartier, femmes au travail, femmes en famille » (sorti en 1980), travail pionnier qui articule la perspective des rapports de sexe et la réflexion sur la place des femmes dans le milieu urbain.

 

Elle fait partie de la première équipe du CNRS que l'on peut aujourd'hui qualifier de féministe, le Groupe d'étude des rôles de sexes, de la famille et du développement, fondé de haute lutte en 1974 par Andrée Michel, dont Françoise Battagliola était très proche.
Elle est membre du collectif qui publie en 1984 Le Sexe du travail et participe à l'Atelier Production-Reproduction, dont les contributions figurent dans Les Cahiers de l'APRE et donnent lieu au colloque international qui se tient à l'IRESCO en 1987.
Son apport à la sociologie de la famille est d'emblée original puisqu'elle publie en 1988 aux Éditions Syros/Alternatives son premier livre, qui osait poser la question de La fin du mariage ? dans une société française perturbée par un phénomène que l'on s'efforçait de limiter à la « cohabitation juvénile ». C'est à notre connaissance la seule analyse de l'essor de la cohabitation menée dans une perspective de rapports sociaux de sexe.

 

Si Françoise a travaillé toute sa vie sur les femmes, leurs trajectoires et leurs pratiques dans les activités professionnelles, domestiques et militantes, c'est dans l'introduction à son ouvrage Histoire du travail des femmes, édité en 2000 dans la collection « Repères » des Éditions La Découverte, qu'elle affirme et résume la perspective qui est la sienne, guidant ses propres enquêtes et fruit d'un dialogue constant, non seulement avec ses collègues sociologues, mais encore avec des historiens et historiennes, en France et aux États-Unis : il s'agit de faire une histoire « relationnelle », femmes et hommes étant impliqués dans un ensemble complexe de pratiques et de représentations, de normes et d'écarts ou de transgressions qui évoluent au fil du temps, sans négliger la dimension conflictuelle des rapports de genre, eux-mêmes non indépendants des rapports de classe, voire de « race ».
Aussi le dernier grand volet de ses recherches porte-t-il sur le mouvement philanthrope de la fin du XIXe siècle, vu à partir des trajectoires et de l'action des femmes engagées dans l'action sociale sous la Troisième République, et des couples de la haute société du milieu réformateur.

 

Nous garderons de Françoise Battagliola l'image d'une chercheuse passionnée, habitée par le « goût de l'archive » et impliquée dans des collectifs de travail, toujours prête à faire partager, aux collègues plus jeunes notamment, les acquis d'un travail rigoureux.

 

 

Marlaine Cacouault, Anne-Marie Devreux, Michèle Ferrand et Delphine Naudier