Derniers Repères de 2024

Chère lectrice, cher lecteur,

« Le Père Noël a été pendu hier après-midi aux grilles de la cathédrale de Dijon et brûlé publiquement sur le parvis. Cette exécution spectaculaire s’est déroulée en présence de plusieurs centaines d’enfants des patronages. Elle avait été décidée avec l’accord du clergé qui avait condamné le Père Noël comme usurpateur et hérétique. Il avait été accusé de paganiser la fête de Noël et de s’y être installé comme un coucou en prenant une place de plus en plus grande. On lui reproche surtout de s’être introduit dans toutes les écoles publiques d’où la crèche est scrupuleusement bannie. Dimanche à trois heures de l’après-midi, le malheureux bonhomme à barbe blanche a payé comme beaucoup d’innocents une faute dont s’étaient rendus coupables ceux qui applaudiront à son exécution. »

Cette dépêche de France-Soir date du 24 décembre 1951. Le texte de Claude Lévi-Strauss qui la cite a été publié dans Les Temps modernes en 1952, sous le titre « Le Père Noël supplicié ». Si vous ne le connaissez pas, je vous invite à le lire. Ce sera mon modeste cadeau de Noël.

Pour ce mois de décembre de l’an 2024, nous vous proposons deux nouvelles éditions et une nouveauté.

La septième édition d’Inflation et désinflation, de Pierre Bezbakh, datait de 2019, donc avant la pandémie de Covid-19, à un moment où l’on craignait plutôt la déflation. Nous avons connu ensuite le retour de l’inflation, épisode dont nous sommes en train de sortir, sans que l’on puisse affirmer que cette désinflation sera durable. En ce domaine aussi, rien n’est certain. Cela fournit toutefois un prétexte pour donner aux étudiants quelques bons vieux sujets sur les causes, réelles ou monétaires, temporaires ou structurelles, de l’inflation. De ce point de vue, cette actualisation est bienvenue.

La tendance est plutôt d’offrir des bandes dessinées, mais les romans présentent l’avantage d’être des cadeaux personnalisés, qui requièrent de bien connaître le ou la donataire. Dans cette nouvelle édition de sa Sociologie de la littérature, Giselle Sapiro analyse la construction et les transformations du champ littéraire. Ce « Repères » est à la fois une sociologie de l’écrivain (de son recrutement social, de son rôle social), des œuvres littéraires et de leur réception. Il pose la question de la singularité de l’écrivain et de ce que Pierre Bourdieu appelait la révolution symbolique (à propos d’Édouard Manet). De quoi mettre en perspective ses lectures.

De même qu’il existe une histoire de l’environnement, on ne devrait pas s’étonner de l’existence d’une Sociologie de l’environnement. Pourtant, elle ne va pas de soi. En effet, la sociologie s’est, à l’origine, construite en affirmant l’autonomie du social. Il s’agissait, pour reprendre la formule d’Émile Durkheim, d’expliquer le social par le social. Dans le même mouvement, et parce qu’elle avait tendance à se considérer comme la science sociale la plus englobante, la science sociale des sciences sociales, la sociologie s’est peu ouverte à l’interdisciplinarité, mis à part sa relation à l’histoire. De ce fait, les sciences de la nature étaient tenues à distance. Lorsque, au début des années 1970, les États-Unis se dotent de réglementations pour la protection de l’eau et de l’air, parce que la pollution ne peut plus être ignorée, des sociologues s’y intéressent, mais l’environnement est introduit au prisme de la critique des effets collatéraux de la croissance capitaliste : il demeure extérieur au social.

Ce livre, signé par Stéphanie Barral, Gabrielle Bouleau et Fanny Guillet, montre qu’il n’en va plus de même aujourd’hui. Il pourrait d’ailleurs s’intituler « Les sociologies de l’environnement », car il existe plusieurs paradigmes sociologiques, plus ou moins structuralistes, institutionnalistes ou constructivistes : l’environnement peut être conçu comme une contrainte extérieure à l’individu, comme l’est le social lui-même, ou bien appréhendé dans son interaction avec la société, qui produit en quelque sorte son environnement autant qu’elle est contrainte par lui. Ce titre vient enrichir la déjà longue liste des « Repères » consacrés à l’écologie.

 

Malgré, ou à cause de la morosité ambiante, je vous souhaite d’excellentes fêtes de fin d’année.

 

Pascal Combemale