(Se) changer les idées

Chères lectrices, chers lecteurs,

 

Au moment où j’écris cette lettre mensuelle sort le second volet du sixième rapport d’évaluation du Giec et il y aura bientôt une semaine que les Ukrainiens résistent à l’invasion russe. Quel que soit l’horizon vers lequel se porte le regard, il s’assombrit. Jadis, il se disait qu’il n’y avait pas de « petits sujets », et la fonction de Repères n’est pas de les hiérarchiser, mais certains paraissent malgré tout plus importants, selon la conjoncture ou le contexte.

Malgré le pessimisme ambiant, il n’est pas tout à fait improbable que vous vous apprêtiez à devenir parents ou grands-parents. Dans ce cas, ce serait le moment de lire ou d’offrir une Sociologie des prénoms, récemment actualisée par Baptiste Coulmont, afin d’éviter des choix malheureux, dont les effets durent longtemps. Mais il est peut-être illusoire de s’imaginer échapper aux déterminismes sociaux. Dans ma génération, beaucoup de chauffeurs routiers s’appelaient Pascal, mais tous les Pascal ne devenaient pas chauffeurs routiers…

Puisque l’on parle de naissances, vous savez certainement qu’à l’horizon 2050 l’Afrique concentrera près de 2,5 milliards d’habitants, soit plus du quart de la population mondiale. La question de la jeunesse et des politiques susceptibles de lui offrir un avenir est l’un des thèmes privilégiés dans la dernière livraison de ce qui devient déjà un périodique, le Repères annuel consacré à L’Économie africaine. Réalisé par une équipe de l’Agence française de développement, il est à conseiller aux étudiants et étudiantes qui recherchent souvent une première référence bibliographique, un point d’entrée, sur les enjeux de développement de ce continent à la fois si proche et si lointain qu’est l’Afrique.

Un continent confronté à de nombreuses tensions, dont celles qui accompagnent l’expansion de l’islam politique. Nous entrons ici sur un territoire miné, mais les sujets jugés trop sensibles pour une collection à vocation scientifique sont en fait souvent seulement plus complexes et demandent à la fois compétence et bonne distance. Cet Islam et politique au xxe siècle a été écrit par Daniel Rivet, un historien réputé pour l’attention qu’il porte à cette complexité et au sens des nuances qu’elle exige.

L’une des causes de ces tensions est l’augmentation des inégalités. Nous avons déjà en magasin un Économie des inégalités et Le Système des inégalités. Mais l’étendue de ce sujet, sa transversalité, justifient une perspective complémentaire, ici explicitement pluridisciplinaire, à la fois historique, sociologique et économique. Consentant un effort remarquable de synthèse, d’autant que les aspects méthodologiques ne sont pas négligés, Hervé Fayat parvient à montrer dans sa Socio-histoire des inégalités comment diffèrent dans le temps et dans l’espace des régimes d’inégalités qui sont autant de constructions sociales dont les configurations évoluent au cours de l’histoire.

Si vous avez besoin de vous changer les idées, rien ne vaut un bon roman. Mais vous pouvez alterner avec des Repères.

 

Pascal Combemale