Les monnaies alternatives

 

Les monnaies alternatives sont généralement des monnaies locales supposées contribuer à la lutte contre l'exclusion de personnes au statut précaire ou contre la marginalisation de territoires « périphériques ». Bien que souvent complémentaires de la monnaie légale, elles offrent une alternative partielle au système bancaire régi par la loi du profit. Mais il ne suffit pas de créer de la monnaie et de la distribuer pour éradiquer la pauvreté ou impulser le développement local. La valeur de la monnaie étant mesurée par son pouvoir d'achat, sa création doit avoir pour contrepartie réelle la production de biens et services qu'elle permettra d'acheter. Pour qu'il en aille ainsi, il faut que cette monnaie finance une activité productive, ce qui revient à la créer en contrepartie du crédit accordé à des producteurs, à commencer par des entreprises. Soit ce que l'on appelle depuis très longtemps une monnaie de crédit, qui n'a rien de révolutionnaire. La question posée est donc plutôt celle du contrôle du financement de l'activité économique. Or il existe déjà des banques mutualistes, qui prétendent fonctionner autrement, de façon plus « démocratique »...

L'idée de faire de la monnaie un instrument de transformation sociale n'est pas nouvelle. Proudhon, par exemple, proposait la création de « bons de travail » distribués aux producteurs en proportion des heures de travail effectuées. Marx avait critiqué cette utopie : ce sont les rapports sociaux caractéristiques du capitalisme, en particulier la séparation des producteurs et la régulation « anarchique » par le marché, qui font de la monnaie une institution indispensable de ce système ; une réelle transformation requiert l'abolition de ces rapports sociaux, elle ne peut résulter de la seule introduction d'une autre monnaie.

Aujourd'hui, les auteurs qui critiquent les monnaies alternatives dénoncent le projet social dont elles sont le support, suspecté de conduire à un repli communautaire, voire réactionnaire, car la monnaie fiduciaire telle que nous la connaissons a aussi un lien avec d'autres spécificités de nos sociétés, notamment l'émancipation de l'individu, libéré de sa dépendance envers une communauté.

Où l'on voit que ce sujet n'est pas exotique ou marginal. Il renvoie à des débats de fond sur la nature et le rôle de la monnaie, le pouvoir monétaire, le lien social... De quoi justifier un Repères...

 

Pascal Combemale, directeur de la Collection Repères